Notre Compagnon, Didier Rossi, nous livre une formidable recension du dernier ouvrage de Claude Quétel, historien et auteur caennais bien connu du public.
Nous ne pouvons que rejoindre ce plaidoyer pour l’Histoire de France, laquelle est pour nous, Gaullistes, consubstantielle de la citoyenneté, de l’identité nationale et d’une parfaite compréhension du monde actuel. Aimer la France, c’est forcément aimer son Histoire, la respecter et la transmettre aux nouvelles générations.
« Avec le dernier livre de Claude Quétel, historien bien connu et normand de surcroît, nous traversons l’histoire de notre « cher et vieux pays » à la vitesse supersonique puisqu’en un peu plus de six cents pages nous passons des gaulois, c’est à dire lorsque la France n’était pas encore la France, à Emmanuel Macron, Président de la République. Disons le tout de suite et sans ambages « Il était une fois la France », titre de l’ouvrage, est une réussite, vraiment.
L’auteur de « La défaite impardonnable » a la nostalgie de l’histoire telle qu’on l’enseignait au début des années 60. « Je fus certainement parmi les derniers à enseigner l’Histoire de France à l’appui des grands chromos que j’accrochais au tableau noir » écrit-il dans son introduction.
Malheureusement, pour une certaine école de pensée, il fallait déconstruire l’Histoire de France. Or, pour aimer son pays, il faut l’apprendre pour le comprendre. Et bien non !
Foin de cette Histoire de France « à la papa » que l’on enseignait jusqu’à présent de manière ringarde, il ne fallait « plus d’Histoire de France du tout ». Comme quoi le cadavre de mai 68 bouge encore et les déconstructeurs du roman national sont toujours à la manœuvre.
Claude Quétel est atterré par l’ampleur des dégâts engendrés par les fossoyeurs de notre Histoire de France que « les programmes scolaires débitèrent en thèmes, le plus souvent mondialistes, ruinant du même coup la chronologie, la compréhension du temps long, l’enchaînement des faits ».
L’auteur a raison en insistant sur la nécessité de maîtriser un tant soit peu la chronologie : Charles X, c’est après Louis-Philippe, il convient de ne pas confondre Napoléon III et le père du code civil, l’oncle de ce dernier et que les 100 jours c’est après l’Ile d’Elbe et non Sainte-Hélène…
Revisiter la chronologie et l’histoire événementielle de notre pays, voilà l’ambition de Claude Quétel.
Résumer un tel ouvrage serait à la fois une gageure et une insulte à l’auteur. Dès lors que convient-il de retenir ? Tout naturellement.
Toutefois, il est un premier thème qui revient en creux dans le livre, c’est celui de l’unité. Unité s’agissant des structures politiques, administratives mais aussi unité de commandement lorsque les guerres éclatent, ça et là, au cours de ces deux derniers millénaires.
Vercingétorix est vaincu par César lors du siège d’Alésia non pas tant en raison de la supériorité numérique ou d’une meilleure maîtrise de l’art de la guerre par les envahisseurs romains mais tout simplement parce que l’armée de secours qui vient en aide au chef gaulois « est composée de plusieurs peuples et par suite tiraillée entre des chefs qui s’ignorent mutuellement » nous dit l’auteur. Le siège d’Alésia n’en finit pas. Le courage des combattants gaulois n’y suffira pas d’autant que les chefs jaloux de leur pouvoir et de leurs prérogatives abandonnent le terrain, livrant ainsi le valeureux Vercingétorix à la merci de César.
Et que dire de ce cher Louis XI, inventeur de La Poste, conspirant contre son propre père, Charles VII, en participant à la révolte des Princes de France et s’attristant, quelques années plus tard, du comportement de ces mêmes princes territoriaux qu’il nomme « le cauchemar des coalitions. »
Louis XI n’eut de cesse de réduire le pouvoir de ces princes qui contestaient la couronne royale et notamment le premier d’entre eux : Charles le Téméraire.
Ainsi, par une péripétie dont l’histoire est coutumière Louis XI « poursuit la politique de son père, si méprisé » et ce, au nom de l’unité du pays.
Les conflits linguistiques sont une entrave à l’unité d’un pays, il n’y a qu’à observer ce qui se passe dans les Balkans et plus près de nous chez nos amis belges.
Chez nous, en France, l’ordonnance de Villers-Cotterêts d’août 1539 , forte de 192 articles et signée par François 1er, instaure la primauté du français dans les actes relevant de la vie publique. Ainsi, le français devient la langue officielle du droit et de l’administration en lieu et place du latin.
Cette unité linguistique atteindra son point d’orgue avec les lois de Jules Ferry relatives à l’école. En 1881, l’enseignement primaire est gratuit puis en 1882 l’enseignement laïc est obligatoire pour les enfants de 6 à 13 ans permettant à 5 millions de petits français de toute condition de découvrir un monde nouveau et plein de promesses, l’école, qu’on voudrait écrire avec « e » majuscule, et l’apprentissage du français.
Par ailleurs, il ne saurait y avoir d’unité sans un Etat fort. Ce fut l’antienne de Louis XIII et de Richelieu que de veiller au renforcement de l’Etat. Pour le cardinal qui n’était pas le personnage fourbe et madré dépeint par certains films de cap et d’épée « être rigoureux envers les particuliers qui font gloire de mépriser les lois et les ordres de l’État, c’est commettre un plus grand crime contre des intérêts publics qu’en se rendant indulgent envers ceux qui les violent. »
Faut-il évoquer le rôle central qu’occupèrent en leurs temps les Colbert, inventeur du made in France selon l’auteur, Louvois et Sébastien Le Prestre de Vauban plus connu sous son patronyme : Vauban , Choiseul ; ils furent tous de grands serviteurs de l’État et contribuèrent grandement à l’unité du pays.
Il serait naturellement choquant de ne pas citer, s’agissant de l’unité de la France et du renforcement de l’État, celui qui fit tant : le Général de Gaulle.
De ce point de vue et quoi que l’on pense de leur exercice du pouvoir, François 1er , Louis XIV et Louis XV offrirent à la France, surtout les deux premiers, ses plus beaux joyaux : les châteaux Renaissance, Versailles…
Deux autres thèmes parmi d’autres, apparaissent dans cet ouvrage : la grandeur et la résistance.
Le fondateur de la Veme République ne pouvait imaginer la France sans évoquer et appeler de ses vœux sa grandeur et son rayonnement car « la France ne peut être la France sans la grandeur » écrit-il dans ses Mémoires.
Mais,revenons à Vercingétorix. Il n’a pas manqué de grandeur face aux Romains car abandonné des principaux chefs de l’armée de secours et « dans l’espoir d’épargner les siens », il se rend à César qui le fera exécuter par strangulation à Rome. Il sera, comme le dit fort justement Claude Quétel « le premier héros d’une nation qui n’existe pas encore, une icône absolue et revendiquée : celle de la résistance à l’envahisseur, de la liberté contre l’oppression. »
Grandeur et résistance, celles des normands face aux troupes anglaises de Lord Scales en 1434 qui ne peuvent s’emparer du Mont Saint Michel qui restera inviolé.
Grandeur et résistance des insurgés de la Commune face aux Versaillais. « De la Commune de Paris, il ne reste que Rossel » disait de Gaulle à Michel Debré.
Grandeur et résistance des hussards noirs de la République pour sortir les petits auvergnats, les petits occitans, les petits bretons, les petits normands de l’obscurantisme. « Ils réclamaient –les enfants- leur part d’école car ils savaient que c’était la clé de leur liberté » disait le reclus de Guernesey, Victor Hugo.
Grandeur et résistance des Glières, du Vercors et de combien d’autres maquis. Hommes et femmes dont l’histoire n’a pas forcément retenu les noms mais qui furent l’honneur de la France.
Jean Moulin, Honoré d’Estienne d’Orves, Pierre Brossolette, Général Delestraint, ceux de l’Affiche Rouge, ils furent eux aussi l’honneur et la grandeur de la France.
Grandeur de tous ces soldats au service de la France sur les champs de bataille et ce, quels que soient les buts de guerre. Ces hommes étaient la France.
Grandeur, honneur et résistance enfin pour celui qui sauva la France à trois reprises : en 1940, 1958 et 1962, le Général de Gaulle bien sûr.
Tout ne fut pas lumière dans l’Histoire de France (Claude Quétel utilise délibérément les majuscules ) elle eut sa part d’ombre : les assassinats du Moyen-Age, les guerres religieuses, les conflits militaires inutiles, la colonisation, la collaboration… Mais que voulez-vous, « la France, c’est la France, que voulez-vous que j’y fasse » disait de Gaulle.
Paraphrasant Georges Clémenceau à propos de la Révolution Française, convenons que L’Histoire de France est un bloc.
Elle est une source inextinguible d’enseignements pour la jeunesse. Il est des réalisations extraordinaires (lois de progrès social, patrimoine culturel…) et il est des hommes et des femmes en tout point remarquables dont la jeunesse de France pourrait s’inspirer pour bâtir son avenir et puis par dessus tout la France, quoi qu’en disent certains de ses contempteurs, c’est la démocratie et la liberté.
Tout cela n’est pas fortuit. En effet, l’Histoire de France fut une longue maturation faite de souffrances abyssales et de joies indicibles. Encore faut-il nous dit Claude Quétel que « la dite histoire ne soit pas ignorée. »
En conclusion le livre de Claude Quétel est à mettre entre toutes les mains d’autant qu’au moment où notre pays, dans quelques mois, décidera de son avenir, il conviendrait de méditer ces paroles de Philippe Le Bel à son successeur Louis X Le Hutin : « Pesez Louis, pesez ce que c’est d’être roi de France. »
Didier Rossi
Crédit photo : Didier Rossi
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