Notre fidèle Compagnon, Michel Brethenoux, universitaire claudelien, nous livre un texte passionnant sur la relation entretenue entre le Général de Gaulle et Paul Claudel, éminent personnage du Gaullisme littéraire. Trois jours après le décès du Maître le 23 février 1955, le Général de Gaulle écrit à sa veuve : « En retirant de ce monde le génie de Paul Claudel, Dieu y a laissé son œuvre et je crois bien que c’est pour toujours. Quant à moi, je n’oublierai pas le réconfort que sa grande âme m’a plusieurs fois et avec quel éclat ! témoigné dans ce que j’ai eu à faire pour une cause qu’il comprenait et qu’il approuvait. »

 « In hoc signo vinces ! » En ce signe tu vaincras ! » (Po,595)[1].

« Ce Claudel, tout de même, il a du ragoût ! »[2

On a pu gloser sur les contradictions de Claudel[3]. D’ailleurs, Gérald Antoine, dans sa biographie de 1988 qui fait autorité : Paul Claudel ou l’Enfer du Génie, n’hésite pas à le souligner. Sur ce portrait, il appose, comme un sceau, la formule de Saint Augustin : « Ecce homo duplex ». On retrouve, d’après lui, le « thème du double dans toutes les pièces de son théâtre » (G.A.p.279). Certes, mais rien à voir avec une « duplicité » quelconque, même si dans son « Journal » il cite 46 fois Pétain et 36 de Gaulle. Pour la même cause, il écrit successivement à Pétain (le 14 octobre 1940) puis à De Gaulle le 26 décembre 1944 : il s’agit d’obtenir la protection d’un proche par alliance[4], un patron d’Industrie d’envergure internationale, fabriquant des moteurs d’avions, et, qui, juif par ses deux parents, déchu de sa nationalité française, était en grand péril… Sur cette demande personnelle, aucun ne répondra ; s’il y eut une lettre à Pétain, elle n’est pas conservée. Au fond, si Claudel rencontre — au moins trois fois et en tête à tête— ces deux personnages de notre Histoire et s’il compose pour chacun un poème lyrique qu’il rendra public, c’est au nom de la France : la France d’abord, une France « Libre » et « debout » !… On peut même dire, sans exagérer, qu’avant même d’avoir entendu « l’Appel du 18 Juin », Claudel est patriote et « gaulliste ». D’ailleurs, il sera sollicité personnellement par le Libérateur de la France.

Dans ses Paroles au Maréchal, datées du 27 décembre 1940, certains pourraient voir un signe d’allégeance, d’encouragement, voire des vœux de « Bonne Année !» (Po,577)[5]. Mais G. Antoine précise : « Non, à coup sûr, ce n’est pas une Ode ; c’est une épître en forme d’instante prière » (G.A.p.326). C’est donc en patriote que le poète s’adresse au Maréchal : vivement il le rappelle à son devoir envers « la France, fille de Dieu…fille de saint Louis ». Le poème de 1944 « Au Général de Gaulle » est également une supplique exaltée entre la France et son Libérateur. Le poète crée un dialogue pathétique entre la Mère et son Fils :« Regardez-moi dans les yeux, Monsieur mon fils » et elle lui demande la foi…(…) « Les autres, ça m’est égal.(…) Ils m’ont demandé mon corps, et toi, demande-moi mon âme ! ».

Après le limogeage et l’arrestation de Laval le 13 décembre 1940[6], l’espoir renaissait. Cet appel lyrique insiste : quatre fois « Monsieur le Maréchal » …Il faut s’engager… Après l’exode, « ce troupeau de bêtes affolées », et « ce hurlement de désespoir qui se mêlait à nos troupes décimées », après ces nuits d’enfer, que vécut « cette France entre vos bras », il faut combattre. « …Comprends-tu comme il est bête d’être mort ? / Lève la tête (…) et c’est l’Aurore ! ». Il lui rappelle aussi que la France, aujourd’hui réduite à une « loque », conçut Jeanne d’Arc de ses « entrailles », et que, « fille de St Louis », elle en a assez de la politique (Po,579-80). Pourtant, le Patriote et Ambassadeur de France reste réaliste : « ce n’est pas un coup de trompette d’un seul coup qui fait revivre les morts ! » (Po,580).

 En effet, loin d’une « duplicité », Claudel— 6 mois après « l’Appel » du Général De Gaulle à Radio Londres – lance, par écrit, son propre « appel » à la Résistance, dans la Foi et l’Espérance : « vois dans le ciel quelque chose d’immense et de tricolore » dit la France au Maréchal (Po,580) ! Si, comme la majorité des Français, il espérait retrouver un sauveur dans le « vainqueur de Verdun »[7], il avait vite déchanté : la France était livrée aux Allemands. Le 14 juin[8] 1940, ils avaient défilé dans une Capitale sans défense. Le 16, c’est à Pétain qu’est confiée la Présidence de la République, qui, aussitôt, annonce l’Armistice à la radio : « il faut cesser le combat ». À l’inverse de cette « capitulation », De Gaulle—nommé le 25 mai 1940 Général de Brigade « à titre temporaire », puis le 5 juin 40 « sous-secrétaire d’Etat » à la Défense Nationale —répliquait par un engagement personnel qui surprend son entourage. Le 17 juin, il quitte très vite Bordeaux pour Londres, où il rencontre Churchill. Dès le lendemain, à 20 heures il lance sur la B.B.C. « l’APPEL » historique : « …La flamme de la Résistance Française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas !… »[9]. Et vu que « la France a un vaste Empire derrière elle (…) cette Guerre est une guerre mondiale.

Aussi, comme en écho aux paroles du Général, Claudel cherche-t-il à lutter pour que vive la France. De Toulon, où il est arrivé le 19 chez sa famille Paris[10], il peut partir vers Alger, via Oran, où il parvient le 22 au soir, « espérant (se) rendre utile. Atroce déchirement » (J,II,316), A l’État-Major, le Général Noguès est absent ; il croise plusieurs personnalités, mais défaitistes et passives. Déception !…Le 27 juin, il dîne « à la brasserie » avec le Commandant Corniglion-Molinier, héros de l’aviation, et Saint-Exupéry[11] impatient de lutter qui découvre « le pourrissoir d’Algérie (…) cette poubelle d’Afrique du Nord ». Ils évoquent « la pagaïe des troupes françaises » (J,II,318). L’Ambassadeur honoraire a beau se présenter au Gouverneur Général comme répondant « à l’appel de Winston Churchill », puis à un Amiral, il n’est pas écouté[12]. Le 2 juillet, avec « désespoir » (J.II,319), Claudel repart pour Brangues via Marseille et Toulon, et note : « … prier, prier, prier…pour que la France soit sauvée ! … ». Il résume : « démolition extérieure et putréfaction intérieure. Les instituteurs » (J,II,322). Le 5, il trouve son « château saccagé par les troupes allemandes qui y ont séjourné 15 jours ». « Les Boches… avaient fait mon portrait sur toutes les portes (d’après celui de Jean Charlot) avec la tête coupée. C’est un miracle qu’ils n’aient pas brûlé le château » (J,II,323). Parallèlement, le Général continuait ses « appels » à « Radio-Londres ». Dès le 24 juin il avait stigmatisé l’Armistice signé le 22 à Rethondes, aux conditions allemandes. Très vite, le 2 août 1940, De Gaulle est condamné à la peine de mort par le tribunal militaire[13].

  1. On s’est interrogé sur cette visite de Claudel à Vichy, début mars. Il descend « à la Villa des Ambassadeurs », rencontre trois fois le Maréchal, dîne deux fois avec lui, obtient une « audience », d’ordre personnel. En effet, il est soucieux de faire libérer P.L.Weiller[14], qui est en péril, et d’autre part, il veut, faciliter la représentation de L’Annonce faite à Marie. De fait, la subvention obtenue, la pièce sera jouée au grand Casino de Vichy le 9 mai 1941, et au second Acte, Eve Francis, l’actrice préférée du poète, lit les célèbres « Paroles au Maréchal» du 27 décembre 40 [15]. Claudel y déplore une France blessée et moribonde : « il est question dans cette pièce de quelqu’un qui ressuscite. / Et certes ce n’est pas une petite affaire que de ressusciter !..» (Po,577). Dans «l’Annonce », en effet, la petite Aubaine, fille de Mara, est ressuscitée par Violaine à la fin. Le Salut est possible. Début janvier 1941, il avait déjà écrit à son fils Henri, cette perspective prophétique : « l’Amérique est à l’ordre du jour… et c’est elle et l’Angleterre héroïque qui sauveront le monde…La Bochie infâme va s’effondrer sous un déluge de fer et de feu ! Pétain a repris du cran et maintenant qu’il a renvoyé la canaille [Laval], toute la France se range derrière lui » (Corr.à Henri p.192).

Mais est-ce « en ligne de bataille », et pour quelle victoire ? De Gaulle, dès le début et de toute urgence, veut rassembler pour combattre !… De même, en patriote, Claudel affirme sa foi en la France : d’ailleurs, sans même avoir entendu en direct le Général, il s’est engagé pour servir. Dès fin juin 40, à 72 ans, il part pour Alger. A l’opposé, si Pétain a bien limogé Laval le 13 décembre 40, la rencontre de Hitler et de l’Amiral Darlan, fin décembre, décidait d’une « collaboration » militaire entre Vichy et l’Allemagne : le protocole en sera signé le 20 mai 1941. Or, le 27 décembre 1940, les « Paroles » de Claudel avaient lancé un appel pressant au Patriotisme du Maréchal : le miracle est toujours possible, comme dans « l’Annonce à Marie », mais il y a urgence !…

« Monsieur le Maréchal, il est question dans cette pièce de quelqu’un qui ressuscite (…). Monsieur le Maréchal, voici cette France entre vos bras, lentement, qui n’a que vous et qui ressuscite à voix basse (…).  Monsieur le Maréchal, il y a un devoir pour les morts qui est de ressusciter (…). France, écoute ce vieil homme sur toi qui se penche et qui te parle comme un père… » (Po,579).

Ces anaphores et répétitions traduisent la passion du Patriote : même idéal, même foi que le Général De Gaulle : « Appel » à la Vie, au « devoir », à la lutte, au : « Debout, la France ! ». Certes, il eût fallu un miracle. Pétain, loin d’être thaumaturge, se montrait plus politicien que soldat. La « collaboration » dépouille la France ! D’où, très vite, l’ironie du poème suivant, de 1941 : « Un peu plus tard » (Po,580). « Notre bon souverain Philippe le Grand » sur les souffrances d’une France affamée, conclut : « Vive Moi ! Ainsi soit-il !…Vive la France ! » Et le peuple au lieu de « la Marseillaise / Entonnait la « Rutabagaise ! »[16]. Ironie sûrement douloureuse, car Claudel, dès le lendemain de la lecture à Vichy de ses « Paroles », les avait fait paraître comme ce qu’on peut considérer comme son propre « appel » dans le Figaro (du 10 mai 1941), et publié en plaquettes à Lyon pour diffusion immédiate. Comme un « Credo », il clamait haut et fort son opposition à tout défaitisme, à la « collaboration organisée »[17] avec « l’hitlérisme » raciste, son rejet d’un  « pétainisme » qui deviendra très vite source d’atrocités entre « Collabos » et « Résistants », tout en poursuivant l’antisémitisme monstrueux des « camps de concentration » …

Les deux « appels » de Claudel ! « Gaulliste de cœur »[18],  le poète se justifiera plus tard, par exemple dans sa lettre du 7 novembre 1944 à Maurice Noël, Directeur du Figaro : « après le renvoi et l’arrestation de Laval[19], c’est vrai, j’ai cru à un sursaut d’honneur chez ce vieil homme ». Mais il devait vite déchanter. Avec « la poignée de main de Montoire »[20]—prélude aux négociations d’octobre 1940—allait se déclencher une guerre fratricide entre « collaborateurs » et « résistants ». Dans son « Journal », Claudel avait réagi vivement : «la France est une fille publique qui doit choisir son maquereau (…). On cède tout. La France se remet comme une fille à son vainqueur. » (J,II,334). Fin novembre 1940, il juge « monstrueux » l’article, dans « La Croix », du Cardinal Baudrillart — son ex-confesseur — « invitant à collaborer » ; il fustige ces « catholiques bien-pensants… écoeurants de bêtise et de lâcheté. » (J,II,337). A propos des funérailles de ce Cardinal, sa lettre du 26 mai 1942 au Cardinal Gerlier dénonce l’hommage officiel rendu par les « Autorités d’occupation…à ce fervent collaborateur[21]…l’émule de Cauchon » (J,II,401).

L’engagement personnel de Claudel — rendu public—contre l’antisémitisme et une « collaboration » criminelle ne pouvait être ignoré du Général. Autre convergence : à Noël 1941, la lettre de Claudel au Grand Rabbin de France, Isaïe Schwartz. Elle fut décisive. Très vite, on en fit un « tract », un second « Appel » à la Résistance, et largement diffusé[22]. La réaction officielle ne tarde pas. En avril 1942, le Ministère de l’Intérieur place l’ancien Ambassadeur « sous surveillance ». Vu sa défense des Juifs, Claudel est fiché comme « suspect ». D’où sa décision « de ne pas (se) rendre en zone occupée » (J,II,388).  La Police en effet le surveille chez lui[23], et à Brangues il reste vigilant. Le critique H. Guillemin en témoigne à propos de l’un de ses « entretiens personnels » : « ce 3 septembre 1942, à Brangues, à cause d’un valet de chambre peu sûr, il désigne Pétain sous le nom de « Félix » (Félix Potin) et Laval sous le nom de « Merlan »[24]. D’ailleurs, dès l’automne 1941, Claudel ironisait sur ces dirigeants « Vichystes » : les « Pétaigneux » de « Pétard éteint », de cet « immonde Pétain » qu’« à la radio le Général de Gaulle appelle notre chef vénéré le Père-la-Défaite. Avec l’Amiral Courbette[25] cela fait la paire ! » (J,II,374).  En regard de ces calembours, le nom du Général est sacralisé.

Il faut donc souligner le Patriotisme spontané de Claudel, cette volonté de « sauver la France ». Le poète vit pleinement dans l’esprit de « l’Appel du 18 Juin »[26]. Il ne l’a pas entendu directement, à la différence de son fils aîné Henri. Son départ pour Alger, « atroce déchirement » (J,II,316), prouve son désir de se « rendre utile » (sic) pour l’indispensable « reconquête » d’une France sous « Occupation ». Cela prendra du temps[27]. Ce n’est que quatre ans plus tard, le 24 août 1944[28], veille de la St Louis, que Paris est libéré. Le 26, De l’Arc de Triomphe, de Gaulle descend les Champs-Elysées, suivi par une foule exaltée, avant de se rendre à Notre-Dame. De Brangues, près Morestel, dépendant de Grenoble — la région deviendra un centre de « résistance » — Claudel suit les événements et note : « pendant qu’on chante le Te Deum, coups de feu sur le G.de Gaulle » (J,II,495).

Le 30 août 1944, non sans émotion, il écrit sa première lettre au Général. Il lui confie : « mon vieux cœur tressaillait en entendant votre voix à la radio », et il s’épanche : « après ces 4 ans d’indicible humiliation, je vis encore pour saluer le plus beau jour de ma vie ; (…) la France s’est retrouvée dès qu’elle a senti à sa tête un chef digne d’elle ». S’il n’avait pas encore « l’honneur » de connaître le Général, il lui prouve, dans cette lettre passionnée, à quel point il se mêle à « la marée de bénédictions, d’admiration et de reconnaissance » pour avoir, « à l’heure où tout craquait (…) sonné le rappel du devoir et de l’espérance » (Corr.105). Peu après, de Gaulle remercie le « cher Maître », et l’assure de ses « sentiments d’admiration très dévouée » (Corr.106).

Exalté par les messages du Général à la radio, Claudel lui écrit une deuxième lettre  – de 4 pages – le 15 octobre[29], pour lui redire son « espérance » : « ne nous lâchez pas ! (…) La radio est un instrument merveilleux… » (id.p.108).  Il lui joint son célèbre poème « Au Général », qu’il vient d’écrire. Il précise qu’il fut « composé en auto entre Lyon et Paris, dans l’enthousiasme (…) et le cri partout : Vive de Gaulle ! Mêlé au déploiement des drapeaux à croix de Lorraine », non sans lui glisser qu’il est lui-même « à moitié Lorrain » (Corr.110). Déjà, « l’Appel » de Londres (du 18 Juin 40) prouvait qu’on peut « révolutionner » (sic) la France, précisément par ce « média ». Et il s’enhardit jusqu’à suggérer tout un programme. Ainsi, on pourrait en finir « du parlementarisme pur, de l’avocasserie et des maquignonnages de commissions… ».  « La seconde révolution qui confine à la première, c’est le vote des femmes »[30]. Il avoue qu’il s’était trompé quant au Maréchal, croyant qu’en limogeant Laval, « le vieil homme avait un sursaut d’honneur ». Il lui indique une seconde déception : que rien n’ait été fait en faveur de Paul-Louis Weiller, « officier juif, héros de la dernière guerre qu’il m’avait promis de sauver ». Conscient d’être « en veine d’impudence » (sic) il ajoute : il faudrait revitaliser notre christianisme. « Vous êtes catholique. (…) Jamais la trahison de Pétain n’aurait eu les tristes suites qu’elle a eues (…). Le clergé a été en grande partie gangrené par l’Action Française ». Claudel a donc beaucoup d’idées pour conseiller le Général, qui le remercie … très brièvement : « Mon cher Maître, votre magnifique poème m’a beaucoup ému, et je tirerai profit de votre lettre ».

Dans son « appel » lyrique « Au Général de Gaulle » publié dans le Figaro du 28 septembre 1944, Claudel instaurait un dialogue entre la France et le Général. Un mois après, le 27 octobre, pour la réouverture de la Comédie Française, lors d’une soirée consacrée aux « Poètes de la Résistance » présidée par le Général, ce poème est lu en sa présence. Il sera inclus dans le recueil d’avril 1945 : Poèmes durant la Guerre de Trente Ans[31], dont il intitule le dernier, du 31 mars 45,  « La Croix de Lorraine », titre doublé par son symbole graphique. Conclusion logique ! Où trouver meilleur symbole de notre Histoire, dans l’actualité comme pour l’éternité, qu’une France Gaulliste aux racines chrétiennes ?… La France est crucifiée mais elle sort de l’abîme. Après la « Passion », la « Résurrection » !… Voici donc « cette croix seconde comme une ancre que nous avons hissée au-dessus de la France à grand labeur ». Heureux dénouement, dont il fait part à son fils Henri : « cet affreux régime que nous avons connu devait disparaître »[32]. Ce symbole explicite aussi — j’allais dire visualise— le geste conclusif du Général « levant le bras », pour signifier la « VOLONTÉ » !…

Serait-ce, déjà, le chant de « VICTOIRE » d’une France liée à « l’effort de l’Univers entier » ? Oui, dans cette « guerre mondiale », De Gaulle a toute sa place : « De Gaulle, c’est la France, et la France, c’est De Gaulle… ». Le poète justifie la formule. Plus encore que le classique Drapeau tricolore, « la Croix de Lorraine » est bien « cette racine que nous avons ramenée de la profondeur »[33]. « Nous », c’est-à-dire le Général, les Patriotes et « le vieux poète », nous voici  tous exhaussés et exaucés, … Mais après avoir subi les souffrances d’un « De profundis ». En effet, ces deux poèmes sont précédés d’un « Stabat Mater ».

Désillusion ! Un an auparavant, le poète s’était pris à rêver la Victoire. Dès le 5 février, il chantait « Le Joli Printemps 1943 », multipliant les images d’un « spectacle magnifique », presque une mise en scène : « j’ai ôté mon pardessus/ L’Allemagne montre son cul. » (Po,582). Le 8 septembre, dans son long poème « À pied d’œuvre », il évoque les combattants tout prêts « pour reconstruire l’Europe ». Poème d’Espoir, ou prophétique ! Car c’est le lendemain, 9 septembre, que les Forces Alliées opèrent en baie de Naples un premier débarquement qui laisse présager celui de la victoire[34]. De quoi exalter encore le patriotisme ! L’événement lui inspire un long poème d’espérance en harmonie parfaite – voire « en écho », vu le titre – avec les Appels de « Radio-Londres » : « La France parle » ! Par ces multiples exclamations, vives tel un discours, il anticipe sur un « Hymne à la Joie » qui pourra inspirer une France ressuscitée ! ….

« TELLEMENT, tellement attendu ! Tellement, et tellement, et tellement et tellement et tellement, et tellement attendu !… (…)

« Tellement attendu ! et espéré, et désespéré, et espéré, et désespérément espéré ! » (Po,586-9).

Mais ces cris d’Espérance n’étaient pas (encore) scandés par les « Vive de Gaulle !…» dans « Paris libéré ». Ils précédaient d’un an « l’Ode » du 28 septembre 1944 : « Au Général » !… Dans ces versets, après 4 anaphores : « Tout de même, dit la France… » le poète multiplie, comme des cris, les points d’exclamation. Vu cet hymne patriotique, la France semblait avoir obéi au mot d’ordre : « Debout la France ! » du Général. Il y a bien « résurrection » comme dans son drame joué à Vichy le 9 mai 1941. « Délivrance » ![35] N’est-ce pas traduire les douleurs d’un « enfantement » ?… — « Me voici de nouveau dans la lumière debout et mes entrailles dans les mains… » (Po,593). Enfin, la « re-naissance » de la France !

Certes, mais non sans douleurs ! Cet hymne triomphal, fait suite à un implicite « lacrimosa… »[36]. Certes, il peut paraître étrange d’assimiler cette « seconde Guerre mondiale » à la « Passion-Résurrection » christique. Mais, par son poème de février 44 : « Stabat Mater », le poète chrétien intégrait notre Patrie en sa perspective religieuse : « Debout la Mère douloureuse… » au pied de la Croix « … où son fils râlait suspendu… » ! N’est-ce pas aussi le drame d’une France déchirée ? Cette déploration paraît dans la « Revue des Deux Mondes » d’avril 44. Composée de 16 sizains – qui n’excluent pas le passé – elle donne une image du présent et des horreurs d’une guerre qui s’achèvera, comme on sait, par de criminels règlements de compte entre « résistants », « miliciens », « collabos » …. Oui, « Maintenant dans la foudre et l’orage, /Dans le meurtre et dans le carnage…Fût de colonne, reste droit ! » (Po,592). Chez le Général comme chez le poète, certains « appels » résonnent tels des prières, lors d’un réel martyre dont chacun prend conscience …

Ainsi, les connotations religieuses du « vieux poète » ne font qu’approfondir cris, soupirs, et vibrations des cœurs. Le défilé triomphal du 26 août 1944, de l’Arc de Triomphe et des Champs-Elysées jusqu’à Notre-Dame, était encore loin du « Traité de Paix » ! Mais aussitôt, dès le 30 août, Claudel écrit sa première lettre à De Gaulle, « Chef du Gouvernement Provisoire de la République » créé à Alger le 9 août et qui vient de dissoudre les États-Majors des « F.F.I.». Claudel indique au Général qu’après « le rappel du devoir et de l’espérance » du 18 juin 40, il venait de rentrer d’Algérie  où il espérait « que la lutte allait continuer ». Il lui confie : « à Brangues mon vieux cœur tressaillait en entendant votre voix à la radio (…) Et moi, je vis encore pour saluer le plus beau jour de ma vie et le grand Français à qui je le dois » (Corr.106). Alors, le 28 septembre 44, le poète compose son propre « Appel » : « Au Général de Gaulle ». Patriote enthousiaste et chrétien, déjà il crie « Victoire » ? — « Tout de même, dit la France, je suis sortie !… ». Cette France, « Fille de saint Louis » et « mère de Jeanne d’Arc », avait besoin d’un « sauveur ». Dans « l’Appel » claudélien, cri de triomphe et d’Espérance à la fois, la France parle au Général : « Délivre-moi de cette chose à la fin, ô mon fils (…) Que m’apportes-tu donc, ô mon fils ? / Et le Général levant le bras, répond : — La Volonté ! » (Po,595).

 « Levant le bras » ! N’est-ce pas le signal d’un départ pour le renouveau, le prélude à un chant de Victoire ?… Cette gestuelle préfigure le rituel « gaullien », repris plus tard dans maints discours. Claudel met en évidence ce « » de « La Volonté ! » Dès 1931, Claudel soulignait, à propos de peinture de Jean Charlot, la forte dynamique de ce signe vital : « constructeur, compositeur…C’est un temple qui s’élève…de même que le corps humain isolé est un édifice qui s’appuie solidement sur ses fondations » comme dans « le V de l’aine… »[37]. Oui, dans la pensée claudélienne la structure même du « V » symbolise la « VICTOIRE »[38]. D’ailleurs, est-ce un hasard si le poème immédiat, qui clôt le recueil, s’intitule « La Croix de Lorraine » ? Dès ses premiers mots il reprend la formule : « In hoc signo vinces » … qui précéda la bataille historique du « Pont Milvius ». Voici donc la promesse du « miracle » : une France victorieuse[39], grâce à cette « Volonté »!… Plus qu’une intuition, la Foi était là. Très vite [40]— deux mois plus tard— vient « l’Appel » claudélien pour la Résurrection de la France : « de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle [41] ».

Français, patriotes et chrétiens !… Entre Claudel et De Gaulle, la correspondance s’étale du 30 août 1944 au 21 avril 1954.  Récemment publiée, elle compte 20 lettres : 8 du poète au Général et 12 du Général. Plusieurs se sont perdues, dont celle du 26 décembre 1944 où il lui exposait la situation du Commandant P.L. Weiller, très proche par alliance familiale, et en péril. Ce pilote héroïque de la guerre 14-18, arrêté le 6 octobre 1940 en tant que « Juif », avait été déchu de sa nationalité française, privé de ses biens et emprisonné sous Pétain ; lequel, à Vichy, n’avait en rien condamné ces sanctions, malgré les sollicitations de Claudel lors de trois rencontres ou audiences, dont un dîner avec le Maréchal. P.L.Weiller était aussi visé comme  P.D.G. de l’importante Société Gnome et Rhône fabriquant les moteurs d’avions militaires, donc suspecté de travailler pour l’armée allemande. Certes, il avait pu s’évader le 11 janvier 1942, rallier le Portugal, puis regagner New York (J.II.512). Mais Claudel restait blessé.

Dans sa longue lettre, il rappelait son titre d’«Ambassadeur de France » et de « membre du Conseil d’Administration de la Société des moteurs Gnome et Rhône […] depuis 1936 ». Il a préparé tout un dossier sur cette affaire, demande une audience, mais ne l’obtiendra pas. Même silence, même inaction qu’à Vichy, en 1940. Dans une « lettre particulière » du 17 juin 1945 à De Gaulle, Claudel se montre véhément : il dénonce cette ordonnance de Nationalisation de la « Société des moteurs Gnome et Rhône » (Corr.111-2), faite en « termes d’une violence inouïe » et qui porte les accusations les plus graves contre les dirigeants de cette société ». Il lui tient à cœur de défendre « contre les imputations atroces le plus précieux patrimoine de (ses) enfants » : « je fais appel à votre esprit de justice ». Le 17 septembre 45, le Général le remercie en 3 lignes.

Mais le poète n’en reste pas moins un « Gaulliste » passionné, qui s’est détourné de Pétain « au caractère abominable »[42]. Il dénonce « autour de lui », dans le Ministère actuel, « du sale et du brouillé… Thorez, Tillon, tous ces communistes à gueules de marchands de vin, de maquereaux et d’assassins » (J, II,537). Dès le 13 novembre 1945, sans avoir présenté sa candidature, le Général est élu Président du Gouvernement Provisoire, à l’unanimité (des 555 votants) de l’Assemblée Constituante. Mais il démissionne dès le 26 janvier suivant, remplacé par le socialiste Gouin[43]. Claudel, en relations suivies avec le Général, lui adresse, dédicacé, « l’Oeil Écoute », ses analyses de « la Peinture Hollandaise », dont celui-ci le remercie par lettre du 22 novembre 1946, jour de son anniversaire – que Claudel ignore sans doute. Il sait la valeur de l’Ambassadeur honoraire : ils se rencontreront au moins trois fois et sont en collaboration pour « ressusciter » la France…

Le 30 avril 1947, à la demande du Général, qui vient de créer le R.P.F. le 7 avril, il le rencontre et lui « expose ses idées sur l’importance de prendre nettement parti contre le communisme, contre la Russie et pour l’Amérique » (J, II,592). Le Général l’approuve sur tous les points et lui demande même d’aller à Rome pour obtenir l’appui du Vatican…Il (lui) parle « sur un ton amical et presque déférent. Nous nous séparons dans les meilleurs termes » (J, II,592). Le 7 octobre 47, Claudel lui « adresse toutes (ses) félicitations pour votre admirable discours qui a fait tressaillir toute la France[44].Remercions Dieu qui nous donne un chef (…). La déclaration des Neuf est merveilleuse » (Corr, p.115)[45]. Appelé encore le 31 octobre 1947, Claudel l’incite à un engagement total : « la Providence vous a mis un tapis sous les pieds (…) Il faut prendre le pouvoir immédiatement (…) Nous avons besoin de vous immédiatement (sic) » et il fixe un programme : « travailler. Je demande au pays la permission[46] de travailler avec lui…la permission de le servir… » (J, II,615). Toujours en 47, il participe à plusieurs réunions politiques du R.P.F. « avec tout l’État-Major gaulliste chez Pasteur Vallery-Radot…et Jacques Soustelle qui me parle des vues du Général sur moi » (J, II,617-620). L’année 1947 a été riche en échanges entre Claudel et le Général qui, par lettre du 12 décembre l’assure de son « admiration et de (sa) sympathie…l’une et l’autre ( …) ardemment sincères » (BSPC.234,p.117).

En 1948, il désigne Claudel « comme membre du Conseil National » et l’invite à la réunion « qui se tiendra à Paris du 18 au 23 juillet ». Le 13 juillet, il lui propose d’en « assurer la présidence provisoire ». Mais avant même d’avoir reçu ce second message, Claudel répond par la négative, « à son vif regret, en raison de (son) état de santé ». Les liens amicaux et de déférence subsistent : le 18 septembre 1948, lors de son déplacement à Grenoble— où les tensions entre Communistes et Gaullistes sont vives – Claudel l’y rejoint pour un déjeuner. En 1949, il lui écrit qu’il « fera de son mieux » pour participer au Conseil National des 20 et 21 mai. En 1950, le Général apprécie toujours ses conseils en vue d’une « entente avec l’Allemagne », qui soit consentante, et une « France qui soit debout avec un Etat digne de ce nom ». En décembre, De Gaulle le remercie du « Cahier » de Naggiar, collègue d’Ambassade très apprécié. Il juge ce document « très nourri, profondément pensé et d’«un grand intérêt »Corr,p.121).

Après tous ces échanges d’amitié et d’admiration au service de la France, une certaine distance va s’établir sur des orientations politiques. En juin 1951, Claudel vote MRP « bien à contre-cœur » (J, II,773). Et en décembre, le Traité sur la « Communauté européenne du Charbon et de l’Acier » est adopté, bien que Communistes et Gaullistes aient voté contre. Claudel est scandalisé de voir les Gaullistes joindre leurs voix à celles des Communistes, « drapeau déployé, sous le commandement du traître Jacques Duclos » (lettre du 9 décembre 51). Pour lui, c’est une « trahison ». En effet, pour « résister au monstre soviétique », il faut « constituer une Europe ». En conclusion il lui adresse « l’assurance de (son) dévouement attristé » (BSPC.p.122-3). Le 30 décembre, le Général lui répond par une lettre explicative sur « les Séparatistes », « l’armée européenne », mais il n’imagine pas une séparation avec l’homme qu’il admire et auquel il adresse ses « vœux de nouvelle année ». Néanmoins, le 1er mars 52, Claudel envoie sa démission du Conseil du RPF. En octobre 1954, suite aux revers électoraux du RPF, De Gaulle se retire à Colombey et, le 18, dès sa publication, lui envoie « l’Appel », tome I de ses « Mémoires de Guerre », avec une     «dédicace aimable ».

On le voit : Claudel et De Gaulle vivent le même idéal ! Dépasser les « jeux » et calculs politiciens. Sans compromissions, la France doit rayonner au sein de l’Europe et aller de l’avant avec son oriflamme. Certes, Claudel, dans sa pièce maîtresse, place en épigraphe ce dicton portugais : « Deus escreive directo por linhas tortas » ! Et il insiste avec le mot de St Augustin : « Etiam peccata ». Mais il n’en glorifie que mieux les « Visages Radieux »[47],et il transcende le cadre terrestre hexagonal[48] pour mettre en avant la « Personnalité de la France »[49]

« La France, c’est une étoile ! / La France est une personne (…)/ Une personne militaire, /Prête de tous les côtés ! … »

Pour Claudel, de Gaulle survenait comme un « sauveur », dans notre Histoire, en ces temps troubles et tragiques, où « il fallait ce nettoyage à grande eau ou plutôt à flots de sang » (Corr. à son fils Henri, p.173). Il fallait qu’un homme se lève, debout, et dressant de ses bras le « V » de la VICTOIRE,

Un homme tel que le définissait V. Hugo, un siècle plus tôt : « toujours, à chaque siècle, et qu’il s’appelle ROME ou la FRANCE, un grand peuple a pour âme un GRAND HOMME ».

                                                                                                                  Michel Brethenoux, Caen, 23/01/2022

 [1] -Sigle de référence : « Œuvre Poétique »,Gallimard,Pléiade,1967.

[2] -Après être allé, incognito, à une représentation du « Soulier de Satin » par J.L.Barrault, De Gaulle confie à un ami (Malraux ?), remarque notée par Gérald Antoine : « Claudel ou l’Enfer du Génie »,éd.R.Laffont 1988.  Référence : G.A.p.335.

[3] -Récemment encore : 1) Claude Pérez : P.Claudel : « je suis le contradictoire »,Biographie ; éd.Cerf, octobre 2021,561p. Voir aussi dans le N°234 du Bulletin de la Société P.Claudel (2021—2) la « Correspondance » entre Claudel et De Gaulle par Claude-Pierre Pérez, p. 105-125. Sigle « Corr. » suivi du N° de la page. Elle comporte 8 lettres de Claudel à De Gaulle et 12 du Général, du 30 août 1944 au 21 avril 1954. Au moins 4 lettres sont perdues, sans parler de celle à Pétain (du 1-X-1940) (cf/J.II,332) ni de celle du 26-XII-44) à De Gaulle. De Gaulle est toujours bref (3 ou 4 phrases) à l’opposé de Claudel qui écrit jusqu’à 2 ou 4 pages.

[4]-Le 13 juillet 1940, il écrit à son fils Henri (1912-2016), qu’une « caravane de 80 personnes en 20 camions, avec les archives de l’Usine et le personnel de Limoges arrivent » à Brangues. « Lettres à son fils Henri et à sa famille, Centre J.Petit, Correspondances », éd.L’âge d’Homme, 1990,p.174. Henri, passant à Madrid, avait entendu l’appel du 18 juin et aussitôt décidé de rallier la France Libre. Cette « caravane » est l’une des entreprises d’ordre stratégique (pour moteurs d’avions) de Paul-Louis Weiller (1893-1993) dont l’épouse, Aliki Diplarakos (1912-2002), élue Miss Europe 1930, est la sœur de Christine, que Henri a épousée en 1936.

[5] -Références usuelles :« Po. » = Œuvre Poétique   de Claudel : Pléiade,1967 ; également en Pléiade pour Th. (Théâtre t.I, ou t.II), pour  Journal  JI, et J II, ou Pr. (Œuvres en Prose).

[6] Laval, qui a rencontré Hitler à Montoire le 22 octobre 1940, devenu « Chef du Gouvernement », est limogé le 13 décembre, au profit de Flandrin.

[7]-Au début, Claudel avait sur Pétain une opinion favorable, vu sa note de mars 1935 : lors de ses visites académiques, Pétain et Weygand  s’étaient déclarés « crânement » pour lui. (J.II,85).

[8] -Un 14 juin, coïncidence ! En ce même jour de juin, mais en 1944, De Gaulle, venant de Londres, mettra le pied sur le sol de Normandie, après le débarquement des troupes alliées, le 6 juin. Le 18 juin 1940, du sol anglais, il avait lancé son célèbre Appel… En 1815, même jour, c’était Waterloo !

[9] —De Gaulle : Discours et Messages, Plon 1970, t. I, p.4.

[10] -Sa fille Reine (1910-2007) a épousé Jacques Paris (1903-1953).

[11]-Le pilote héroïque vient d’y arriver avril 1943.Cf. « Saint-Exupéry-Consuelo, Correspondance 1931-44 », Gallimard 2021, p.179. Ils évoquent « la pagaïe des troupes françaises » (J,II,318).

[12] « Je dis timidement à cet amiral : est-ce que vous pensez »…Au mot de pensée, il bondit ! « Je ne pense pas, Monsieur, j’obéis ! » (J,II,318).

[13] -Le Tribunal permanent de la 13è région, fixé à Clermont-Ferrand condamne, par contumace, le colonel d’infanterie breveté d’Etat-Major, en retraite, Ch.d.Gaulle à la peine de mort (avec dégradation militaire, confiscation de ses biens…).

[14] – P.L.Weiller est le P.D.G. d’une industrie stratégique : d’un « engin de production inestimable avec ses 14.000 ouvriers » écrit Claudel à Christine qui est à Washington à Noël 44. Contre l’accusation d’avoir travaillé pour l’Allemagne, P.L.W.précisera: « en 4 ans nous n’avons pas produit plus de moteurs qu’en un an sous le régime français et la plupart inutilisables ! » (Lettres à Henri,p.215).

[15] -Le Maréchal, comme le poète sont absents (J,II,358).

[16] -Le « rutabaga », signe des pénuries alimentaires : ersatz des pommes de terre, proche des topinambours dont on nourrissait les cochons.

[17] -Le 20 mai 1941, l’amiral Darlan signe un « protocole de collaboration militaire » entre Vichy et l’Allemagne.

18– Brûlant de cette « flamme de la résistance française ». [De Gaulle : Discours et Messages, 1970, t.I,Plon, p.4].  On le voit, son « invocation au général D.G. (…) aurait bien pu s’appeler « Paroles au Général », suggère Jacques Julliard, d’autant que ces deux textes furent publiés dès 1947 sous le titre de « Laudes », aux éditions de la Girouette à Bruxelles. (cf.Claudel sous l’Occupation, BSPC.234 (2021),p.48-49.

[19]– Laval, qui a rencontré Hitler à Montoire le 22 octobre 1940, devenu « Chef du Gouvernement », est limogé le 13 décembre, au profit de Flandrin.

[20] -Le 24 octobre 1940, entre Pétain et Hitler, soit deux jours après l’accueil d’Hitler par Laval.

[21] -Collaboration !  Par exemple, la « rafle du Vel d’Hiv. », de juillet 42, sera faite par 5 à 7000 gendarmes et policiers français.

[22] – « Je tiens à vous écrire pour vous dire le dégoût, l’horreur, l’indignation qu’éprouvent à l’égard des iniquités, des spoliations, des mauvais traitements de toutes sortes, dont sont actuellement victimes nos compatriotes Israëlites, tous les bons Français et spécialement les catholiques… ». Claudel, Cahier VII, Gallimard 1968, p.325.

[23] -Dans son « Journal », Claudel note 2 « visites » à Paris. « Le 2 mai 1943, un agent de la Gestapo se présenta… à mon ancien domicile, 4 avenue Hoche.(…). Plus tard, à la veille de la libération de Paris une voiture de déménagement (…) Heureusement que (mes meubles) étaient depuis longtemps ailleurs… » (J.II,499).

[24]Supplément aux O.Complètes, Centre J.Petit, éd. éd.l’Âge d’Homme,1991, t.II.p.310-311. Et il explique la charade : « tout ment ; Laval, bien entendu, puisque « lave-ment et que « allemand ».

[25] -Surnom de Darlan, signataire, le 20 mai 1941, du protocole de Collaboration militaire entre Vichy et l’Allemagne. Il prendra le pouvoir à Alger le 4 décembre 1942, mais y sera assassiné le 25.

[26] -A Alger, le 24 juin 40, il précise (diplomatiquement) au Gouverneur Général : « je réponds à l’appel de Winston Churchill » (J,II,317).

[27] -A Paris, Place de l’Hôtel de Ville, Pétain est acclamé par la foule, encore le 26 avril 44, dans une France « Occupée ». Claudel, parti à Alger dès fin juin 40, pour « servir » voire « sauver » la France, avait constaté l’absence de Chefs. De même, Saint-Exupéry, parti le 20 avril 1943 des Etats-Unis, dénonçait le flottement du Pouvoir; il se sentait « hors la vie dans cette poubelle d’Afrique du Nord ». (A Consuelo, fin avril 43), in Corr.179.

[28] -A cette même date (24 août) il note : « Lyon est libéré » (J,II,495).

[29] -Lettre que publiera le Figaro littéraire du 29 mars 1975, (BSPC. 234, p.106).

[30] -D’ailleurs très vite accordé—dès le 5 octobre 1944—De Gaulle étant depuis le 9 août 44, Chef du « G.P.R.F. » Gouvernement provisoire de la République Française, créé à Alger.

[31]– Le poète reprend ce terme historique d’une Europe déchirée de 1618 à 1648 (jusqu’au « Traité de Westphalie ») pour évoquer les combats de 1914, puis 1940-44 … Paru chez Gallimard en avril 45, ce recueil traduit avant tout les engagements qu’il connut en 14, mais où il s’impliqua surtout en 40-44. D’où ces deux parties : « Poèmes de Guerre » sur 1914-1916. Ardeur patriotique du militaire dans le 1er consacrée par l’exclamation : « Tant que vous voudrez, mon Général ! …O France, tant que tu voudras ! » (Po,535). Même personnification de la France, dans les « Paroles au Maréchal » (27 décembre 1940), dans « La France Parle » (du 14 septembre 43) et plus directement encore dans « Au Général de Gaulle » (28 septembre 44) : « Tout de même, dit la France, je suis sortie ! » (Po,593).

[32] -Lettre à Henri du 13 juillet 1940 ; op. cit. p. 173.

[33] -On pense au vieux cantique : « Victoire, tu règneras, ô Croix, tu nous sauveras ! … ».

[34] -Celui du 6 Juin 1944, en Normandie sera déterminant, et permettra les luttes finales vers la Libération, jusqu’à la Capitulation allemande du 25 août 44—d’un « Paris debout pour se libérer » — avant celle, définitive, du 8 mai 45. D’ici là, que de bombardements, d’horreurs (cf. Oradour, le 10 juin 44) !…

[35] -C’est aussi le même mot  qui conclut (dans ses deux versions, 1924 et 1943) son drame célèbre, et le plus long « Le Soulier de Satin » : « Délivrance aux âmes captives ! ». Prière ou soupir de soulagement ?…

[36] -L’historien pourrait voir un « Dies irae… » apocalyptique dans les réactions sauvages, en France, contre les « collabos » …

[37] – « Jean Charlot » article inséré dans « L’Oeil Écoute », recueil adressé au Général en 1946, lequel, par lettre du 22 Novembre, l’en remercie, « profondément sensible » à son envoi dédicacé. Oeuvres en prose, Gallimard, Pléiade,1946, p.297, et « Corr. » p.114.

[38] -Cf. « Discours à l’hôtel de ville de Paris », le 25 août 1944 :« Paris debout pour se libérer », (Discours et Messages, T.I, Plon 1970, p.439).

[39] -Rappel de la vision du Chrisme par Constantin, avec cette devise. qui lui permit (en 312) la victoire sur Maximus au Pont Milvius à l’entrée de Rome.

[40] -Pétain est arrêté le 26 avril 45. Le 8 mai, l’Allemagne capitule sans conditions, et Hitler et Goebbels se suicident.

[41]Discours et Messages (op.cit.440). Le Général résume ces pages de l’Histoire dans ces titres : Les Mémoires de Guerre, tome I : « l’Appel », t.II, « l’Unité » et les Mémoires  d’Espoir : « Le Renouveau » T.I. ; l’Effort » T.II ( éd.Plon 1954).

[42] BSPC N°234, p.107.(Lettre du 15-X-44).

[43]– Personnage peu apprécié de Claudel : « G(r)oin, gouin, gouin, gouin » (J,II,542).

[44] -Le 5 Octobre 1947, à l’hippodrome de Vincennes, devant près d’1 million de personnes, De Gaulle prononça un discours reprenant les thèmes de ses précédentes interventions.

[45] -La déclaration, à Varsovie, des 9 Partis Communistes consacrait le partage du monde en deux camps. L’Europe se reconstruit avec le « plan Marschall » (12 juin) et la France en particulier avec le Gouvernement Schumann (créé le 22 novembre 47).

[46] -L’Ambassadeur Claudel, dont le dernier poste fut à Bruxelles, a pris sa retraite le 4 juin 1935.

[47]-Une série de 44 poèmes qu’il publie le 15 mars 1947 à Genève.

[48] -Modeste hexagone au plan géographique, sur la planète Terre, la France doit s’épanouir en étoile lumineuse et céleste : l’âme et la flamme de notre Patrie !… Tout un symbole !..La Croix (‘de Lorraine)  et l’Étoile !….

[49] -De Brangues, le 5 juin 1938, texte inséré dans « Poëmes durant la Guerre de Trente ans. » (Po,572-3).

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crédits photos Michel Brethenoux.

 

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