Notre ami Bernard Duval, dernier résistant déporté du Calvados, dernier survivant de la tragique histoire des internés à la maison d’arrêt de Caen en 1944, nous a quitté le 18 septembre 2024. Le drapeau de Fidélité Gaulliste de Normandie et de nombreux Compagnons étaient présents à l’église Saint-Gerbold de Caen-Venoix pour lui rendre un dernier hommage au cours duquel le Président Franck Leconte a prononcé un éloge funèbre.
On notait notamment la participation du Préfet du Calvados, Stéphane Bredin, des députés Joël Bruneau et Arthur Delaporte, de la sénatrice Sonia de La Provôté, du Maire de Caen, Aristide Olivier et du Président de la Communauté urbaine de Caen La Mer, Nicolas Joyau ainsi que de Fabrice Le Vigoureux, ancien député. Une trentaine de porte-drapeaux était aussi venue saluer une dernière fois celui qui laisse derrière lui de nombreux orphelins de cœur mais aussi de beaux et émouvants souvenirs, un héritage moral, ferment pour le présent et l’avenir, et des pages de courage et de douleur.
Au cours de son intervention, le Président Franck Leconte a notamment retracé une partie du parcours résistant de Bernard Duval :
« Son père, ancien Poilu de la Grand Guerre, « grièvement blessé pour que la France reste libre », lui avait souvent raconté les dangers et la souffrance qu’il avait endurés durant la guerre des tranchées et la Résistance opiniâtre opposée à l’ennemi pour réussir, enfin, à obtenir en novembre 1918 la Victoire sur l’envahisseur.
20 ans plus tard, face à ce nouveau cataclysme, Bernard se sent personnellement concerné et même obligé «de prendre le témoin que la conduite de la génération de ses parents lui tendait ». Quand bien même n’a-t-il pas entendu le Général de Gaulle le 18 juin à la radio, il a pu prendre connaissance de son Appel quelques temps plus tard. Et les mots du premier Résistant de France répondent parfaitement à son attente et suscitent en lui cette motivation à relever l’épée de ses Pères et poursuivre un combat dont il savait qu’il serait impitoyable, déséquilibré et sûrement fatal.
Et pourtant, le jeune Bernard, plein de vie, d’audace et d’idéal, n’admettra jamais la défaite, s’opposera corps et âme à l’humiliation de l’âme française, refusera le déshonneur et son pitoyable cortège de collaboration avec l’Occupant, qui allait progressivement s’installer à Caen comme ailleurs.
Son idéal, il le partage d’ailleurs déjà avec quelques jeunes de son quartier dont Bernard Boulot, le copain un peu timide arrivé de la Manche en 1935 et installé avec ses parents dans la même rue que la famille Duval. Bernard Boulot, l’autre Bernard, son Ami, son Frère, dont le sort sera désormais scellé avec le sien.
Au fond, comme Pierre Brossolette en avait fait le constat en 1943, « la France combattante n’avait été qu’un long dialogue entre la jeunesse et la vie ».
En parallèle de son activité d’apprenti menuisier débute alors pour le jeune patriote épris de liberté, un parcours de plus en plus affirmé de combattant volontaire de la Résistance. Au début, c’est presque un jeu, dangereux certes : dès le mois d’octobre, avec sa bande de copains, ils décident de lacérer les affiches apposées sur les murs de la cité par les troupes d’Occupation après le couvre-feu imposé à 23h00, ils dérobent aussi les bouchons d’essence et de radiateur des camions allemands stationnés dans le quartier et crèvent leurs pneus.
Puis ils passent à une activité de propagande via la fabrication d’affichettes appelant au sursaut patriotique, affichettes ornées d’abord d’un coq puis d’un « V » surmonté d’une croix de Lorraine.
Début 1942, entraîné par son complice Bernard Boulot, Bernard Duval rejoint la Résistance organisée au sein du Front National de lutte pour la Libération et l’indépendance de la France. Les deux Bernard appartiennent désormais à un groupe de 7 jeunes qui collectent des renseignements sur les installations militaires allemandes sur la côte, de Ouistreham à Asnelles. En raison de leur jeune âge, on ne se méfie pas trop d’eux. Malheureusement, l’imprudence d’un membre de l’organisation entraine une série d’arrestation ; sous la torture, l’un d’entre eux livre les noms : Bernard Boulot est arrêté le 29 février et Bernard Duval le 10 mars.
Conduit au siège de la Gestapo, rue des Jacobins, Bernard résiste – il ne sait pas comment mais il résiste à tous les coups et tortures infligés. Il s’évanouit plusieurs fois, ne sent plus ses jambes, il ne peut plus marcher, mais en dépit d’une douleur incommensurable, il ne parlera pas. Malgré la menace d’être exécuté prochainement, il ne dira rien. Las, ses bourreaux l’enferment à la maison d’arrêt de Caen : Bernard est désormais promis au sort imminent réservé à ceux qui sont accusés d’espionnage : la peine capitale.
Mais le 20 mai, les deux Bernard, se retrouvant menottés l’un à l’autre, sont intégrés au dernier convoi parti de la maison d’arrêt de Caen, à destination du camp de Royallieu. Miraculeusement, mais ils sont alors loin de s’en douter, cette déportation vers l’antichambre des camps de la mort les sauve d’une mort certaine ; quel paradoxe ! Effectivement, le 6 juin suivant, les 73 autres détenus seront froidement assassinés par l’Occupant.
Après 15 jours d’internement, les deux amis sont entassés dans des wagons de marchandises avec plus de 2 000 autres détenus à destin du camp de Neuengamme. Toujours solidaires, ils sortent éprouvés mais vivants de cette fournaise mortifère qui durera 3 longs jours. C’est d’ailleurs cette solide complicité, jamais démentie, qui assurera leur survie durant l’enfer concentrationnaire qui débute et allait durer presque un an.
Le 2 juillet, tous deux sont ensuite transférés vers le camp de Sachsenhausen, et rapidement affectés au Kommando de Falkensee, où les détenus doivent travailler comme des forçats. Obligé de contribuer à la construction des chars Panther, Bernard, dès qu’il le peut et, au péril de sa vie, procède à des sabotages, voulant ainsi œuvrer, du plus profond de l’univers concentrationnaire nazi, à l’affaiblissement de son appareil militaire.
Le 26 avril 1945, le camp est enfin libéré par l’Armée rouge, le printemps refleurit la campagne et la vie, chose qui était devenue impensable, offre de nveau aux deux Bernard, aux deux amis, aux deux frères, le loisir d’imaginer qu’un lendemain est encore possible et pourquoi pas des lendemains qui chantent ? Livrés à eux-mêmes et après une longue marche, ils entament un voyage en train qui durera 9 jours avant de retrouver Paris. Ce voyage hors du temps est mis à profit pour rêver et faire des projets…. »
Les Compagnons de Fidélité Gaulliste de Normandie s’inclinent avec émotion, respect et reconnaissance devant l’Homme que fut Bernard Duval.
Nous saluons son action au service de son idéal et de la France ainsi que son obstination à transmettre. Résolument, Bernard Duval a su incarner l’esprit français.
Comme le Général de Gaulle, son inspirateur en juin 1940, il aura dans les années les plus sombres de notre histoire, « su être ferme, pur et fidèle et a vu au bout de ses peines, la plus grande gloire du monde, celle des hommes qui n’ont pas cédé ».
Crédits photographiques : Préfecture du Calvados.
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